la vie à Antsirabé

le Kabary

  Un Kabary n'est pas un discours ordinaire; c'est l'art de parler, de choisir ses mots et expressions dans le respect de la littérature pour le rendre agréable à écouter. L'orateur commence par une demande d'excuses pour être à la hauteur de son discours. Il remerçie Dieu...les ancêtres...et salue les personnes assistant à la cérémonie avant d'argumenter pour aborder le vif du sujet.

 Voici un exemple: Michel et Cécile Baudet Pidoux ont reçu avec leurs amis un Kabary au terme de leur séjour de trois ans à Antsirabé.

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                           Kabary de bienvenue pour l'au revoir de Cécile et de Michel

 Est ce l'Ainé qui sent bon le fruit ou le cadet qui sent bon le feuillage pour que les lieux sentent la noblesse? Oh non, ce n'est pas l'ainé qui sent bon le fruit ni le cadet qui sent bon le feuillage, mais c'est l'eau pure de l'amitié qui coule, ainsi les lieux sentent la noblesse. Quand l'orage de l'Ankaratra tonne, les planteurs de maïs plantent alors que les amoureux doivent soupirer.

        Mesdames et messieurs,

 Je ne suis pas l'herbe fière et érigée, mais juste celle qui rampe aux abords d'un étang. Néanmoins, mesdames et messieurs, suite à la discussion bien pensée avec Cécile et Michel, c'est en toute humilité que je prends la parole, car la Parole qui n'appartient qu'aux Sages, incite au respect et à la Connaissance. Je vous présente donc toutes mes excuses de prendre la parole.

 Il est vrai que même si je suis autorisé maintenant à parler, j'hésite encore malgré tout, car, en fait, parler est un art, surtout devant une telle assistance. Aussi ne m'en tenez pas rigueur si je viens à bafouiller.

 Ce rituel des excuses porte tout un symbole pour qu'aucun sort et maléfice ne me retombe dessus. Et maintenant, je fais appel au Sacré que j'ai à brandir et non à dissimuler sous mes vêtements, tout comme mes souhaits de bienvenue et mes salutations que je vais adresser à chacun d'entre vous respectivement et plus particulièrement à l'instar de ceux qui ont fait des milliers de km pour Cécile et Michel.

 La colline de Mandray (à l'est d'Antsirabé) et d'Ivohitra (à l'ouest) se voient tous les matins.Elles ne se posent pas de questions et ne cherchent pas à discuter dans la journée tout en restant face à face. Dans l'aprés midi, elles se font même de l'ombre.

 Pour la présentation de mes salutations et souhaits de bienvenue. nous n'allons pas nous comporter comme ces deux collines, mais procéder à la manière du lever du jour à l'Orient où la lueur de l'aurore embrasse en premier les plus hauts sommets. Ces sommets que l'on ne peut atteindre, tout comme le zénith, créé par le créateur, très haut placé mais qui sait voir au plus bas. Et toutes ces terres et notre vie empruntées, nous les devons aussi au créateur. Rendons lui donc Gloire et louange éternelles avant tout. Et que comme le reflet du jour descendant de l'Occident, qui arrive à visiter chaque porte d'entrée de tous les foyers, que mes souhaits de bienvenue parviennent à chacun de vous:

 Nous n'allons pas faire comme le hibou qui visite la grenouille où le visiteur fixe seulement de ses grands yeux et le visité boude, mais nous allons faire comme le "Rainivoly" (un oiseau de bonne augure malgache) qui visite le "fodilamena" (un oiseau malgache de la taille d'un moineau, dont le mâle est rouge vif et la femelle beige) où le visiteur chante et le visité sifflote. En effet, nous voilà tous réunis, comme ceux qui ont fait cuire leur riz et ceux qui ont fait cuire leur kitoza (viande boucanée malgache) pour festoyer ensemble. Nous voilà tous réunis par cette amitié indéfectible, soulignée davantage par la présence des amis (venus de loin) de Cécile et de Michel. Raison de plus pour se réjouir.

 Je ne peux donc que vous adresser, pleinement, dans son intégralité les meilleurs souhaits de bienvenue et de salutations, comme on offre un oeuf tout entier avec sa coquille, ou une banane tout entière avec sa peau.

 Soyez les bienvenus, amis d'Anjou, de Bretagne, de l'île de Ré, de Hongrie; honneur à vous qui venez de si loin, salutations à vous amis du Vakinankaratra. Bonjour Cécile, bonjour Michel.

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 Bienvenue à tous et recevez mes souhaits de santé, de longévité, puissiez vous aspirer à ce qu'il y a de mieux sur la terre. Que vous nagiez heureux comme un poisson dans l'eau, et puissiez dormir sereinement comme dans les bras de Morphée!!

 Comme ce bananier à l'ouest du village, de loin vous êtes emblême et décor du champ, de prés, vous offrez ombrage et tranquillité. Espoir d'abondance, vos fruits mûrs sont palpables et si on les goûte, ils sont douceur et vitalité.

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 Je n'ai de cesse de vous réitérer mes voeux de bienvenue, n'en soyez pas surpris ainsi l'exige les us et coutumes malgaches.

 J'abrège ainsi ce discours un peu long certes, mais témoignage de la joie et de l'émotion de vous voir ainsi tous réunis ce soir.

 Je vous remercie Mesdames et Messieurs, de votre attention et de votre patience.

 

Mamy Basta

   Mamy Basta

Fokontany

   

Tireur de pousse, un métier à respecter

   A Antsirabé, le nombre de tireurs de pousse ne faiblit pas: 2000, 3000 ? Impossible de connaître réellement le nombre d'hommes qui tirent un pousse derrière eux, chargé de personnes, d'enfants allant à l'école, de caisses de boissons, de sacs de riz, de cochons morts ou vivants!! 

 

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 Une habileté à toute épreuve:

Le pousse? C'est le moyen de transport par excellence. Bâti sur deux roues de vélo, monté sur lames de ressorts, doté de deux longs brancards, pourvu d'une petite banquette au-dessus amovible (dessous se cache un coffre où le tireur met "tout"!!), abrité (enfin l'habitacle) d'une capote et de plastics quand il pleut, le pousse roule dans toutes les rues d'Antsirabe. Rues goudronnées sans trous ou avec nids de poules, rues en terre cabossées, éclaboussées d'eau et de boues, rues qu'il faut partager avec les camions, les 4X4, les charrettes à zébu, les vélos, les motos, les piétons, rues où le danger est partout présent tout le temps, rues sans lumières le soir, sans code de la route le jour. Le pousse avance, vite, au pas, stoppe, repart, évite les obstacles, double, freine, monte les côtes, les descend à vive allure, se moque des difficultés, se joue de la circulation.

Celui qui mène la danse, le tireur, est souvent un paysan venu des campagnes environnantes. Pas un colosse sortant d'une salle bodybuildé, mais un homme plutôt petit, tout en muscles fins et puissants, habile et adroit homme de confiance et de loyauté. Si vous lui confiez une course, il l'accomplira. Si vous le prenez pour faire des courses, il attendra autant de fois que nécessaire en gardant précieusement le cabas qui se remplit au fil des arrêts. Si vous lui indiquez une destination, il vous fera arriver à bon port dans le minimum de temps et le maximum de confort. On dit dans les guides de tourisme qu'il faut négocier le prix de la course avant de monter dans un pousse. C'est à la fois vrai et faux. Vrai, parce que pour les touristes ne connaissant pas le prix des courses, il vaut mieux s'enquérir du coût du déplacement avant de partir. Et s'il leur faut négocier, c'est parce que les tireurs de pousse voient dans l'étranger la possibilité de se faire un peu plus d'argent que d'habitude. Mais c'est faux quand on connaît le prix du bus (300 ariary soit 10 centimes d'euro), la distance à parcourir, la difficulté du trajet, le niveau de concurrence, l'appoint de monnaie que l'on a ou non en poche. Approximativement, on peut considérer qu'un kilomètre en pousse coûte 600 ariary. c'est beaucoup plus cher que le bus qui vous conduit pour moitié moins à 10 Km de distance. Est-ce rentable? Là est la vraie question.

Il existe trois sortes de tireurs de pousse. Les premiers sont quasi professionnels, puisqu'ils ne retournent plus à la campagne, habitent et vivent en ville; les seconds veulent seulement se faire un peu d'argent quand il n'y a pas trop de travail dans les rizières ou les champs et les troisèmes sont propriétaires de leur pousse. Pour les premiers et les seconds, il faut louer le pousse, environt 1.600 à 1.500 ariary la journée, l'équivalent de 3 courses minimum, avant d'espérer gagner de l'argent. Les derniers, enfin, sont propriétaires de leur outil de travail, chaque course remplit leur propre escarcelle (une fois payé la licence de tireur de pousse, les réparations et l'entretien de l'engin). Les quasi professionnels vivent dans des taudis, ne mangent pas souvent à leur faim et forment une sorte de confrérie où les liens sont forts sauf quand le toka gasy, le rhum artisanal, leur fait perdre la raison. L'espoir de pouvoir acquérir leur propre pousse les fait tenir avec des hauts et souvent des bas. Mais certains y arrivent, comme Jean-Claude qui stationne près de l'Impérial.

 Une sorte de confrérie 

Stationnement? Oui, chaque titeur de pousse a son lieu de stationnement. Certains, près des magasins, d'autres à la sortie des hôtels, d'autres enfin devant les administrations, les hopitaux, les écoles, les marchés. Avec une dérogation : quand une course les fait aller d'un point à un autre, par exemple du marché à la Mairie ils peuvent prendre un client à ce dernier point de stationnemet à condition de ne pas prendre la clientèle des tireurs attitrés là. Ou alors ils retournent à leur point de base en espérant sur le trajet trouver un nouveau voyageur.

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Le stationnement, où ils attendent parfois plusieurs heures, fait qu'ils se connaissent bien. En outre, pour ceux qui viennent de la campagne, ils sont souvent originaires d'un même village. C'est le cas de ceux qui adhèrent à l'Association Fakambany ni posi et qui sont aidés par Celapousse; ils sont originaires de Ambohitsymanova, au Sud'Est d'Antsirabe et stationnent soit au petit marché, soit à la sortie du Vatolahy, là où il y a également des écoles.

On aurait ainsi tort de penser que le monde des tireurs de pousse est désorganisé et laissé au hasard. Là, où nous ne voyons que des individus, règne en fait une vraie structure. Un autre exemple, eux qui viennent de la campagne ne rentrent pas tous les jours chez eux, de loin s'en faut, c'est beaucoup trop éloigné : environ 2h à vélo et 4h à pieds. Si donc, ils ne rentrent pas chez eux, où logent-ils le temps de leur séjour à la ville? D'une part, ils semblent se remplacer les uns les autres : quand une poignée d'entre eux descend à la ville, une autre poignée remonte là-haut. Ce pourquoi il est difficile de les réunir tous ensemble. Et ils trouvent à se loger à 5 ou 6 dans une pièce unique louée chez un particulier, où ils couchent à même le sol ou sur une natte (comme au village). Quand ils ne couchent pas dans leur pousse, recroquevillés dans l'habitacle, attendant les couche-tard qui veulent rentrer chez eux ou les lève-tôt soucieux de vaquer dès les premières lueurs de l'aube !

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Métier difficile

Très physique, car les charges sont lourdes à porter et les cotes dures à monter, le métier de tireur de pousse est harassant. Qu'il pleuve à cordes, quand la saison des pluies est là, qu'il cogne sous le soleil de midi, que les routes soient à ornières ou pas, il y a toujours à 300 ou 400 m de l'endroit où vous êtes, un tireur de pousse prêt à répondre à votre attente. Vêtus souvent très pauvrement, mal considérés, ils sont pourtant le nerf du commerce ou du travail sur la ville. Que parfois ils se laissent aller à boire plus que de raison, on peut le comprendre. Que parfois ils cherchent à monnayer plus cher que de raison leurs services, on peut l'accepter.

Une chose est sûre : ils sont d'une profonde honnêteté. Pour preuve cette histoire : un jour que je me rendais dans la banlieu d'Antsirabe et que j'empruntais pour cela une ligne de bus (taxibe), je hélai à la porte de chez moi un tireur de pousse pour me mener à la station de bus la plus proche. Un petit Km pour 600 ariary, prix convenu. Arrivée à la station de bus, je donnais 2.000 ariary au tireur, à charge pour lui de trouver la monnaie. Je le vis partir et passer de magasin en magasin. 3mn passèrent, 5mn.. le bus arriva, le tireur de pousse n'était toujours pas là. Je montai dans le taxibe. Deux heures plus tard, je rentrais chez moi et m'entendis appeler "Madame, Madame, l'argent..." Ce n'était pas le conducteur du matin qui m'interpellait ainsi mais un collègue qu'il avait chargé de me rendre la monnaie. Histoire vraie qui me rend les tireurs de pousse très sympathiques!!!

 

 

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